Des journées entières dans les arbres

Images / Texte

En collaboration avec Mahut

En 1996, Mahut, dessine des dizaines et des dizaines d’arbres. Il dessinera, parce qu’il fallait bien trouver quelque chose à faire sur ce plancher du théâtre de la Gaîté Montparnasse. Tous les soirs il est sur la scène face au lointain ; derrière lui résonnent les voix des comédiens qui jouent Les Eaux et forêts de Marguerite Duras mis en scène par Tatiana Vialle. Mahut est immense, il est assis sur une chaise minuscule devant un chevalet. Il en avait été décidé ainsi, de ce rapport d’échelle. Des arbres ? Arbitrairement, à cause du titre évidemment. Oui, chaque soir, un arbre, un arbre qui cache la forêt. Des soirées entières dans les arbres. La forêt, le lieu tut.

Quelques années plus tard Anne-Lise Broyer lui proposera de composer un petit livre à partir de cette expérience dans la collection Saison dont elle est responsable avec Nicolas Comment et Patrick Le Bescont au sein des éditions Filigranes. En 2010, A. L. B. est invitée par Hélène Jagot et Jean-Michel Le Bohec à exposer au Musée et à l’artothèque de La-Roche-sur-Yon. On connaît son attachement aux textes, toujours le point de départ de son travail photographique. Le titre d’un petit livre de M. Duras tourne sans cesse dans sa tête depuis quelque temps . Des journées entières dans les arbres. Alors elle repense aux Eaux et forêts, à cette foule d’arbres.... Et elle propose à D.M. de partager l’espace d’exposition de l’artothèque. Lui se souvient de la série d’A.L. Au roi du bois, « Dans le bruissement des feuillages et le toucher des écorces… »

Le royaume des coïncidences s’ouvre alors… D.M. passant dans le village de son enfance, s’arrête devant la maison où il vivait avec son frère et ses parents 50 ans auparavant ; il sonne à la porte et rencontre les Tessier, les plus charmantes personnes qui soient. Ils vont lui ouvrir grand la maison qu’ils sont sur le point de vendre, et lui proposent de revenir passer deux jours dans le « le pays lointain » du passé, quand le lieu sera vide.
A. L. propose à D. M. de l’accompagner, ils vont se perdre dans l’immense maison pendant deux après midi, parmi les ombres. C’est là que lui a commencé à dessiner. Il parcourt les pièces, Il repense à cette autre série d’A. L. « Le ciel gris s’élevant paraissait plus grand » et à cette proposition dans le texte de présentation : « A.L. nous invite à déambuler dans une demeure qui pourrait bien être celle que renferme notre mémoire… »
« Ce qui surgit nous vient des temps anciens. » Intacts, les odeurs, la poussière, le silence, les parquets, les miroirs, les raies de lumière, la cave, le grand escalier, le grenier, la fenêtre la plus haute… A. L. photographie. Ils entendent leurs pas résonner, ils sont loin, parfois ils se retrouvent dans le grand jardin clos... chants d’oiseaux, bruissement des feuillages … On y revient, ces arbres : « les vrais enfants sont ceux qui ont passé leur enfance à dénicher des nids ». En écho ce petit texte de Louis-René-des-Forêts dans Ostinato : « Que jamais la voix de l’enfant en lui ne se taise, qu’elle tombe comme un don du ciel offrant aux mots desséchés l’éclat de son rire, le sel de ses larmes, sa toute puissante sauvagerie. »
A.L.B. & Mahut

photographies : Anne-Lise Broyer
dessins : Mahut